Ce soir je suis né.
Une dernière touche de lumière pour éclairer le blanc de mon œil, et puis un blanc de Titane mélangé délicatement à une pointe de bleu de Prusse et me voilà avec le regard vif, prêt à regarder la vie qui s’offre à moi. La dernière touche m’a-t-il murmuré. Mon peintre avait bien écrit un petit texte plein d’amour à mon égard, qui m’a tendrement ému et amusé… Oui, il y eu des jours et des nuits de face à face, à résister, à se battre, à s’entendre et à se désaimer… C’est rempli d’émotion que j’écris à mon tour mes premières lignes, moi qui n’étais rien il y a encore une semaine, à peine une idée esquissée dans un esprit en liberté. On ne nous laisse jamais la parole à nous autres, les sujets peints, et pourtant…
Ni lui ni moi ne savons ce que je deviendrai… Nous serons séparés un jour, c’est certain, mais notre rencontre inattendue un soir de printemps, à coups de crayon et de pinceaux restera gravée, ou plutôt peinte, dans ma mémoire de papier. Je ne suis pas triste et aucune larme ne pourra délaver les couches de lavis posés là sur mes joues. Peut-être mélancolique, je ne me connais pas encore très bien.
Ce soir je suis né. Je serai bientôt exposé à d’autres yeux, qui me scruteront, me critiqueront… On m’aimera, on me détestera peut-être ou bien je laisserai indifférent, mais je resterai droit, sans jamais fléchir. Car peu m’importe les critiques, seul son regard à lui m’est vital puisque c’est lui qui m’a porté jusqu’à vous.
Le garçon à la coccinelle.
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