Pierre-Jean-Baptiste-François Elleviou (2 décembre 1769 / 5 mai 1842) était chanteur, comédien et librettiste.
Il fut célèbre en son temps et est une figure emblématique de Ternand puisqu’il a été maire de la commune après avoir acheté le château de Ronzière et qu’il repose en paix ici, sous une imposante tombe carrée. Une tombe où rien n’est posé, ni fleur, ni stèle, ni souvenir… Juste son nom gravé, à peine visible sous la mousse qui le recouvre.
Fils de chirurgien, Pierre-Jean-Baptiste-François Elleviou refuse de suivre les traces de son père et s’enfuit pour Paris où il approche le monde des comédiens. Doté d’une voix bien timbrée, légère et souple de baryton (qu’il devait plus tard travailler afin d’acquérir la tessiture d’un ténor), il réussit à obtenir un rôle qu’il s’apprête à jouer quand il est appréhendé par les forces de l’ordre qui le jettent en prison sur les ordre de son père. Prison de la Rochelle où, dit-on, il chantait la romance de Richard Coeur de Lion “Dans une tour obscure, un roi puissant se languissait…”, charmant les dames Rochelaises qui intervinrent en sa faveur auprès du père arrivé sur place. Il reprend finalement ses cours de médecine à Paris mais il prend rapidement son indépendance et débute le 19 avril 1790 en tant que basse-taille avec la troupe de l’Opéra-Comique dans le rôle d’Alexis dans l’opéra “Le Déserteur” de Monsigny. Progressant rapidement et ayant retravaillé sa technique, il aborde l’année suivante le répertoire de ténor avec “Philippe et Georgette” de Nicolas Dalayrac.
Bel homme, élégant, visage affable, il a grande prestance et un chant « conduit avec un goût très sûr ». Il excelle dans des rôles de capitaine de hussard, sachant ménager ses effets au grand plaisir des dames et des officiers. Il devient sociétaire de la troupe dès 1792.
D’esprit plutôt modéré, il ne sympathise guère avec les opinions politiques de la Révolution et, après la chute de Robespierre le 9 thermidor, il se rapproche des milieux réactionnaires de sensibilité généralement royaliste, que les Conventionnels appelaient muscadins. Il finira par être recherché par la police et devra disparaître quelque temps pour se faire oublier.
Lorsqu’il ne craint plus d’être inquiété, il reparaît salle Favart, avant que la troupe ne fusionne en 1801 avec celle du théâtre Feydeau. Il deviendra un sociétaire de la nouvelle compagnie et l’un de ses administrateurs. Pour se changer des rôles de comiques troupiers qui commençaient à lasser le public, il met toute son influence pour revenir peu à peu au répertoire ancien, plus sérieux et plus sensible, avec notamment les opéras de Grétry : Zémire et Azor, L’Ami de la maison (tous deux de 1771), Richard Cœur-de-Lion (1784) et Pierre le Grand (1790). Elleviou, qui s’y montre sous un jour nouveau, voit sa renommée rebondir. Cependant, les critiques musicaux continuent à le comparer (à son désavantage) avec son prédécesseur, le fameux Clairval.
En 1807, il crée ce qui deviendra un de ses rôles-fétiches : Joseph de Méhul. La maréchale Lefebvre aurait dit en le voyant : « Si Joseph était aussi beau que ça, Mme Putiphar a été une forte dinde ! »
Son vieux père, en séjour à Paris, fut entraîné par un ami à l’Opéra-Comique où l’on donnait le Calife et, subjugué par la voix du ténor, il observa:
– Si mon malheureux fils avait au moins ce talent, je lui pardonnerais de bon cœur le chagrin qu’il m’a fait.
– Il est alors pardonné, car le ténor, c’est lui ! répondit l’ami. Et la réconciliation eut lieu.
D’un caractère capricieux et irritable, le chanteur devient financièrement de plus en plus exigeant. Il épouse une riche admiratrice lyonnaise qui le rend maître d’une petite fortune. Il quitte définitivement la scène le 10 mai 1813, en pleine gloire, à seulement 44 ans, et part s’établir dans une vaste propriété. C’est à Ternand, au château de Ronzière qu’il avait acheté en région lyonnaise, qu’il se consacre à l’agriculture. Agronome distingué, il apprend le travail de la vigne autour de lui et s’applique à reboiser la commune.
Élu maire puis conseiller général du Rhône, il meurt frappé d’apoplexie le 5 mai 1842 à 73 ans, dans les locaux du journal Le Charivari.
Présenté dans son cercueil au nouveau maire de Ternand le 29 juin 1844, il y est inhumé plus de deux ans après sa mort.
Sa carrière :
Elleviou possédait l’art de ménager ses effets et désarmait la critique. On ne compte plus ses créations et les divers rôles où il s’illustra. Sa carrière sera jalonnée de nombreux succès. Il joua surtout dans des opéras-comiques, mêlant le chant et la comédie. Il est donné par les critiques comme un excellent comédien au talent flexible, assumant aussi bien les rôles comiques que les sérieux.
Il sera l’interprète de la plupart des compositeurs importants de l’époque dont François Adrien Boieldieu (Le Calife de Bagdad, Jean de Paris), Méhul (L’Irato ou l’Emporté), Nicolo et Henri Montan Berton. Mais c’est surtout les œuvres de Nicolas Dalayrac qui lui permettent d’accéder à la célébrité : Philippe et Georgette (1791), Gulnare (1797), Adolphe et Clara (1799), Maison à vendre (1800) et Picaros et Diego (1803).
S’il figure comme compositeur dans l’en-tête de l’article biographique de Hoefer, il semble que seuls ses livrets soient restés dans les mémoires :
Le Vaisseau amiral (1805), musique de Berton, Délia et Verdikan (1806), musique de Berton, L’Auberge de Bagnères (3 actes, en collaboration avec C. Jalabert), musique de Charles Simon Catel.
Trente ans après avoir quitté la scène, il n’était pas oublié puisque Eugène Labiche, dans le Major Cravachon (comédie de 1844 censée se passer à Saumur en 1813) en fait l’idole dudit major : “Je descendais la rue Vivienne en ruminant à part moi le morceau d’Elleviou que je venais d’applaudir… Elleviou, tu sais ? C’est mon idole… ”
0 commentaires